Les roguelikes

Aujourd’hui on va explorer une niche vidéoludique assez particulière : les roguelikes. Le roguelike est un genre appartenant à la vaste catégorie des RPG (Role Playing Game), ou Jeux de Rôles, à savoir des jeux dans lequel le joueur dirige un ou plusieurs personnages qui suivent une aventure, développant leurs capacités en route. La façon de jouer évolue donc petit à petit, ce qui crée un gameplay intéressant et adapté aux goûts de chaque joueur. Un RPG peut exister sous de très nombreuses formes (les séries des Final Fantasy, Zelda et Mass Effect sont tous des RPG), mais les roguelikes sont une forme très particulière dont nous allons détailler les caractéristiques.

 

I – Qu’est ce qu’un rogue-like ?

Un roguelike (ou rogue-like) est, comme son nom l’indique, un jeu dérivé du concept de Rogue. Rogue, sorti en 1980, était un titre dans lequel le joueur explorait un long souterrain, dessiné en caractères texte ASCII (pour pouvoir être utilisé sur un terminal texte), jusqu’à atteindre une ultime salle où il affrontait sans doute un ultime boss avec les ultimes armes et équipement qu’il aura préalablement collecté. Souvent en anglais, ces jeux se différencient de l’original par du contenu, des mécanismes et un univers différents.

Interface de Rogue

L’interface graphique traditionnelle est bien sûr la première chose qui choque dans un roguelike. Il faut bien voir que plutôt que de représenter des images, les caractères forment une sorte de carte. C’est un hybride entre image et texte, ou les formes générales représentent des pièces et les caractères individuels représentent des objets, des créatures, et des personnages. Ainsi, sur l’image ci-dessus, les « – » et « | » représentent des murs, les « . » le sol, le « @ » le personnage principal, le « % » le corps d’un ennemi, et ainsi de suite. Cet affichage permet de symboliser tout l’espace du jeu et est donc très précis, même s’il demande une certaine période d’adaptation.

Certains jeux disposent de textures additionnelles, ou sont graphiques de base, particulièrement parmi les jeux récents. Ainsi, si l’affichage en ASCII est souvent symbole de roguelike, ce n’est pas pour autant un prérequis du genre, contrairement aux traits suivants :

 

II – Caractéristiques

  • La mort est permanente (on parle de permadeath). Cela signifie que non seulement, une fois mort, il n’y a pas moyen de réapparaître au début du donjon ou dans une auberge, mais en plus, la sauvegarde de la partie est effacée (la sauvegarde ne marche donc pas indéfiniment, elle ne sert qu’a suspendre le jeu). Quand un personnage meurt, c’est pour toujours (même si des astuces permettent de contourner le problème sur les systèmes modernes).
  • Les donjons sont générés aléatoirement – et donc, l’emplacement des objets et des monstres aussi. De fait, aucune partie ne ressemble à une autre, et aucune « Walkthrough » (solution complète) typique ne peut être écrite. En fonction des roguelikes, le niveau d’aléatoire change. Certains ont a peu près les mêmes objets et monstres aux même niveaux, peu importe la partie, mais certains (comme Angband) changent l’aspect du niveau a chaque escalier ! Du coup, en prenant un escalier, puis en le remontant, on ne revient pas dans le niveau qu’on vient de laisser, mais dans un tout nouveau niveau, inexploré.
  • Le jeu se pilote au clavier. Chaque touche du clavier, possiblement étendu avec les majuscules voire avec des combinaisons, appelle un menu ou une action. (« E » pour manger, « i » pour inventaire, etc.)
  • Il s’agit généralement de jeux complexes, ce qui tranche avec leur aspect ultra basique : il y a souvent moyen de se nourrir, d’écrire des parchemins, de jouer des dizaines de classes différentes, de commercer…
  • Les personnages ont souvent de nombreuses compétences, caractéristiques, traits, etc.. Parfois, ces caractéristiques sont générées aléatoirement, en fonction de la descendance du perso par exemple.
  • Et ça se joue généralement seul, pour des raisons évidentes de gameplay (le jeu se déroule au tour par tour, ce qui est assez complexe à adapter en multi). Néanmoins, des versions multi-joueurs existent quand même.

L’intérêt de ce type de jeu ? En dehors du fait qu’ils soient généralement gratuits, rapide à commencer mais longs à finir, qu’ils réclament très peu de ressources système, et qu’ils soient tous gratuits, c’est que ce sont des jeux assez passionnants une fois qu’on les a pris en main, qui rendent une phase parfois fastidieuse dans les autres RPG (l’exploration de donjons) intéressante.

Généralement, ces jeux sont faiblement scénarisés. Cela part de la même idée que les graphismes spartiates : on laisse au joueur le soin de compléter avec son imagination. Si on ajoute la génération procédurale, on obtient une expérience qui se renouvelle sans cesse et qui permet au joueur de créer sa propre aventure. Le jeu fait alors figure de simple moteur qui permet de remplacer les autres joueurs et MJ des jeux de rôle sur table.

 

III – Quelques grands noms

On va explorer plusieurs roguelikes célèbres par ordre approximatif d’apparition. Même si le niveau graphique augmente, il ne faut pas en conclure que les jeux de fin de liste sont nécessairement plus « récents » : beaucoup des jeux qui suivent sont encore maintenus et mis à jour aujourd’hui, ou du moins disposent d’une communauté active.

 Nethack – 1978 – 2003 / Toujours maintenu

Interface de Nethack Nethack est probablement l’un des plus célèbres, et il a acquis une grande réputation dans le milieu grâce aux nombre incroyable d’interactions possible entre les éléments du jeu. Selon l’expression consacrée : « The dev team thinks of everything« . Quelques examples de situations supportées par le jeu :

  • Les Cockatrices sont des monstres qui paralysent les autres créatures au contact. Il est donc possible de perdre le jeu en touchant un corps de cockatrice que l’ont vient de tuer, sauf si on porte des gants. Bien sûr si on a pas de gants, on voit le corps et on peut logiquement choisir de ne pas y toucher… sauf si on a été rendu aveugle par un sort, auquel cas le personnage tâtonne par réflexe pour voir ce qui se trouve par terre, entraînant ainsi sa fin. On peut également jeter un de ces corps en l’air, ce qui nous le fait retomber sur la tête, là encore entraînant la mort (sauf si on a un casque). En porter un dans les escaliers et trébucher est également une cause de mort possible. Et ce n’est que le début : on peut utiliser une potion de polymorphisme, se transformer en cockatrice, pondre des œufs, puis ensuite les jeter sur des ennemis pour les pétrifier, le tout entraînant une baisse de karma vu que détruire ses propres œufs est immoral.
  • Le jeu possède une amulette de strangulation, qui comme son nom l’indique étrangle celui qui la porte. Mais il existe également des sorts de respiration magique, qui doivent donc annuler cet effet ? Non, car la strangulation coupe également la circulation sanguine, et le jeu le précise.
  • Il est possible de se faire punir en se faisant attacher un boulet aux pieds pour une raison ou une autre. Passer sur un escalier descendant peut causer la chute du boulet, vous entraînant avec et causant des dégâts.

Et ainsi de suite. La quantité de combinaison et de scénarios possible défie l’imagination, le rapprochant ainsi des jeux de rôles sur table traditionnels.

 ADoM et ADoM II (Ancien Domains of Mystery) – 1994 – 2005, 2011 – Toujours en développement

Interface d'ADOM

Un autre roguelike très complet, avec plus d’histoire qu’à l’ordinaire.

Contrairement à d’autres, le créateur a ici une vision moins libre du développement de son jeu. En effet, il travaille depuis 2011 à un nouveau jeu, ADOM II (ou JADE), basé sur Java, dont il compte à terme dériver une version commerciale. Néanmoins, il est rare qu’un projet mono-développeur rencontre un tel succès et ait une telle pérennité.

Interface de Adom II

 Angband – 1990 – Toujours en développement

Interface d'Angband

Un classique, avec un haut niveau d’aléatoire et un univers basé sur celui de Tolkien.

Angband est notable car il provient d’une longue chaîne de dérivés remontant jusqu’aux origines du roguelike et basés sur le thème du seigneur des anneaux (il est inspiré de UMoria, qui lui même est une adaptation de Moria créé par des fans du Rogue original), et qu’il a à son tour généré nombres de descendant, notamment…

 ToME 4 et TomeNET (Trouble of the Middle Earth) – 1998 – Toujours en développement

Interface de TomeNET

Il s’agit en réalité de deux jeux, commencés par le même développeur mais depuis séparés en deux branches très distinctes. Ici, on voit TomeNET, qui est toujours basé sur le seigneur des anneaux mais qui propose un gameplay online.

Interface de ToME 4

Et là c’est ToME 4 (Tales of Maj’Eyal), un jeu solo qui s’est éloigné de l’univers de Tolkien pour se concentrer sur une nouvelle aventure, basé sur un moteur open source et doté d’une communauté très active.

IVAN (Iter vehemens ad Necem) – 2001 – 2004

Interface de IVAN

Malheureusement plus développé depuis 2004, IVAN possède des éléments intéressants, notamment une localisation des dégâts.

 Elona – 2006 – 2011

Interface de Elona

Elona est assez particulier. Développé par un japonais, ce jeu utilise des graphismes tirés de RPG Maker (pour les amateurs) et propose un gameplay assez complet et intéressant, et sans doute plus facile à intégrer que les jeux précédents.

 Dungeons of Dredmor – 2011

Interface de Dredmor

Dredmor est une création récente qui vise à rendre plus accessible le monde des roguelike. Il est donc entièrement graphique et jouable à la souris, mais il ne sacrifie ni sa difficulté (paramétrable), ni sa « roguelikeness » : de nombreuses références à d’autre jeux du genre sont présentes, et on retrouve toutes les caractéristiques que j’ai cité précédemment. Facile à jouer et disponible sur Steam, ça peut être une bonne entrée en matière si les versions textes vous rebutent.

IV – Liens et informations complémentaires

  • RogueBasin, un wiki contenant des informations sur les jeux et sur leur développement
  • RogueTemple, un site amateur parlant des roguelikes présents et passés
  • Les projets wikipédia français comme anglais disposent d’une catégorie roguelike avec des fiches pour les jeux ainsi que des informations générales

 

 

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